CHAPITRE XXIV

 

Mac-Corry fit un signe et, rapidement, les Terriens replacèrent sur leurs épaules leur casque protecteur.

— Eh bien, soupira Traver, en voilà une histoire. Depuis l’année 1938, cette base existe dans les Bad-Lands, avec un but bien défini : la conquête de notre globe. Car je ne crois pas aux sornettes d’Olgar VI. Si celui-ci avait eu vraiment l’intention d’entrer en relations pacifiques avec nous, il l’aurait fait, au lieu d’attendre l’heure de nous envahir. Olgar VI a décidé d’être le Maître de notre planète, dès le jour où ses savants ont créé l’arme à dématérialisation. Lorsqu’en 1938, cette base fut construite, les nains à peau blanchâtre savaient déjà qu’Obscur-Terra serait le tremplin d’où partirait l’attaque. Seulement, Olgar s’est méfié. Il a compris que nous possédions des armes puissantes.

— Remarquez, intervint Corry, Olgar VI a peut-être dit la vérité. Mais sa méthode d’attente lui a découvert une âme de guerrier. Il l’a avoué lui-même : le succès l’a grisé.

A ce moment, une sourde explosion retentit. Elle ébranla les murs de la vaste pièce et Mac Corry eut un mouvement de protection dérisoire. Il se recula dans l’ombre.

— Que se passe-t-il ? J’ai peur que ces murs ne soient pas assez solides et que tout s’écroule sur nos têtes.

Les soldats exprimèrent aussi leur inquiétude par des regards fréquents en direction de Traver. Mais celui-ci gardait un immuable sang-froid et semblait parfaitement à son aise.

— Ne vous inquiétez pas, je…

Une seconde explosion, plus violente que la première, ébranla à nouveau le souterrain. Mais cette sorte de ciment prompt, qui consolidait les galeries, résista admirablement. Pas un morceau ne s’effrita.

Traver ordonna alors à ses hommes de se dissimuler derrière le véhicule interplanétaire. Cette sage précaution ne fut pas superflue car une troisième explosion fit voler en éclats la porte métallique qui obstruait l’entrée de la salle.

Un souffle puissant balaya la pièce et par la brèche béante un groupe d’hommes en scaphandre apparut.

Ces hommes portaient sur le dos un curieux équipement, constitué par deux bouteilles métalliques. Un tuyau en caoutchouc reliait ces bouteilles à une espèce de pulvérisateur que tenait le soldat dans sa main droite.

Une fumée verdâtre traînait en bandes menaçantes dans la pièce. Mais, protégés par leur scaphandre isolateur, les Terriens ne ressentirent pas les effets de cette fumée toxique.

Traver et ses hommes se précipitèrent vers les nouveaux venus. Le colonel Gruder salua en souriant.

— Nous avons exécuté vos ordres, Général. Un hélicoptère a ramené d’Héléna tout le matériel nécessaire, afin que la base ennemie soit prise dans les vapeurs asphyxiantes du phosgène.

— Parfait, Colonel, hurla Traver, le visage transformé. Faites sauter toutes les issues. Que pas un pouce de cette base n’échappe aux effets du gaz.

D’autres violentes explosions secouèrent la base ennemie. Les vapeurs toxiques se répandirent dans les galeries et au milieu de cette atmosphère irrespirable, les hommes en scaphandre avançaient, déchargeant au hasard leurs pistolets électrocuteurs.

C’était une effroyable vision. L’armée terrienne assurait sa suprématie, car pas un seul instant, elle ne rencontra de résistance. Les derniers habitants d’Obscur-Terra devaient se réfugier dans les salles encore épargnées par le phosgène.

Mais, une à une, à l’aide d’un puissant explosif, les portes métalliques sautaient. Les nains à peau blanchâtre avaient construit une base beaucoup plus vaste que ne le supposaient les Terriens.

Chaque pièce, pourvue d’objets ou d’engins hétéroclites, fut soigneusement inspectée et fouillée. Les soldats se heurtèrent à plusieurs cadavres invisibles, mais il fut impossible de s’assurer si Olgar VI était parmi eux.

— Victoire sur toute la ligne, déclara Traver en revenant à la surface.

Il ôta son casque et respira à pleins poumons l’air des Bad-Lands. Corry émergea à son tour du puits.

Il s’épongea le front et soupira :

— Ouf ! La base ennemie est conquise. Privés de ravitaillement et de Q.G., les troupes de l’agresseur, disséminées sur notre planète, sont condamnées à une mort certaine. D’ailleurs, d’après Olgar VI, je ne pense pas que l’envahisseur disposait d’effectifs nombreux. Quelques centaines d’hommes, tout au plus… Mais leur attaque foudroyante nous a désorganisés.

A ce moment, plusieurs soldats accoururent, montrant du doigt un coin des Bad-Lands.

— Attention ! ILS vont tenter de nous échapper. ILS sortent leur engin.

— Tonnerre ! hurla Traver, subitement furieux. Allons voir ça.

Il sauta dans un hélicoptère et Corry le suivit. L’appareil prit de la hauteur et les deux hommes n’eurent aucune peine à distinguer ce qui se passait.

Un vaste panneau coulissant, habilement dissimulé, s’ouvrait au ras du sol, découvrant la salle où Traver et ses compagnons avaient été prisonniers.

L’engin interplanétaire tournait sur lui-même, prêt à s’élever verticalement. Une phosphorescence verte l’entourait…

Traver se pencha sur la radio portative.

— Allô… poste W-12… Ici général Traver. Indicatif Z-43-C. Engin interplanétaire prêt à décoller des Bad-Lands. Ordre donné d’abattre appareil. Terminé.

Brusquement, l’engin s’éleva à une vitesse vertigineuse. Traver et Corry aperçurent une sorte d’éclair fonçant dans l’espace.

Puis une formidable explosion ébranla l’atmosphère. L’hélicoptère faillit être happé par le terrible remous d’air qui s’ensuivit et il ne dut son salut qu’à la virtuosité de son pilote.

Corry tendit le doigt au-dessous de lui.

— Regardez, Traver… Avant leur départ, ils ont détruit Obscur-Terra. Il ne reste absolument plus rien de la base souterraine.

Un message-radio arriva peu après, destiné à Traver.

— Allô… Ici poste W-12. Indicatif Z-62 M. Engin abattu.

Corry et Traver tombèrent dans les bras l’un de l’autre. Ils s’étreignirent.

— Olgar VI est mort, fit Corry d’une voix joyeuse. Il est mort, avant que son engin n’atteigne une vitesse supérieure à celle de nos obus téléguidés. Mais notre tâche n’est pas encore terminée. Il faut anéantir les dernières troupes de la planète Obscure, qui combattent encore sur notre globe.

Cette opération ne demanda ni le concours des forces armées, ni celui des projecteurs à l’infrarouge.

Des laboratoires, jaillit la bactérie libératrice. Simultanément, les centres biologiques de Washington et de Paris, après des journées d’efforts et de recherches, purent annoncer que l’homme avait vaincu le Monde infinitésimal.

Pendant plus de quarante-huit heures, les biologistes, forts de leur première expérience, réservèrent leur diagnostic. Mais le doute ne subsista bientôt plus. Le microbe des laboratoires venait à bout de l’organisme des nains de la planète Obscure, alors que les leucocytes terriens produisaient des antitoxines, stoppant net les effets nocifs de la bactérie.

Lentement, les agressions de l’arme à dématérialisation s’espacèrent. Elles disparurent complètement. Alors, seulement, il fut possible de déclencher une vaste opération, dans le but de retrouver les cadavres de l’envahisseur, victime du microbe infectieux.

Le Monde respira. Il était sauvé de l’effroyable péril, grâce à la ténacité de quelques hommes. Les humains qui peuplaient la planète Terre avaient démontré qu’en s’unissant, ils constituaient une race puissante et redoutable.

 

*

*  *

 

Mac-Corry, du haut de la fenêtre de son bureau, se pencha sur Spark-Avenue. Il sourit, en observant la foule tranquille, déambulant sur les trottoirs.

Un immense orgueil l’envahit. Il appartenait à cette race indomptable, qui avait vaincu l’opiniâtreté de l’ennemi interplanétaire. Il pouvait donc être fier.

On frappa à la porte. Il se retourna et aperçut Maxwell, qui affichait son regard sombre des mauvais jours. Maxwell qui ne fumait pas son cigare et dont la voix avait quelque chose d’inquiétant.

— Corry… c’est… c’est ahurissant. Je viens de recevoir un coup de téléphone du Kansas. On me signale la mystérieuse disparition d’un étudiant et je…

— Maxwell ! hurla Mac-Corry, les traits affreusement contractés. Je vous en prie, jurez-moi que…

Alors, le visage de Maxwell se détendit. Il devint hilare.

— Ah ! Ah ! Corry… vous vous affoliez ! J’ai tenu à vous faire une petite farce. Non, rassurez-vous, le cauchemar est bien terminé.

Corry se laissa tomber sur son fauteuil. On était en septembre. Mais il faisait encore chaud. Si chaud que le chef de la police tira son mouchoir et s’épongea le front.

— Vous êtes terrible, Maxwell. Votre facétie est de mauvais goût, vous auriez pu imaginer autre chose.

Un instant, il évoqua toutes les sombres journées de cet été inoubliable. Puis les paroles du sinistre Olgar VI, maître de la planète Obscure, lui revinrent en mémoire.

— Qui sait, murmura-t-il, ce qui serait advenu, si en 1939, la guerre n’avait pas éclaté ? Peut-être serions-nous alliés avec les nains à peau blanchâtre…

Maxwell tira un cigare de sa poche et l’alluma avec délice.

— Hum ! En définitive, Corry, vous pensez vraiment que l’engin venu de la planète Obscure s’est posé sur notre sol dans un but pacifique ? Allons, ces gens-là sont venus dans l’intention d’envahir notre globe, sinon ils n’auraient jamais construit Obscur-Terra. Seulement, la deuxième guerre mondiale leur a prouvé que nous possédions des armes puissantes. Voyez-vous, Corry, leurs hésitations les ont perdus. Car s’ils nous avaient attaqués après la guerre, vers 1945, ou même entre cette année et 1960, nous n’aurions jamais pu résister, faute de moyens défensifs. Ces idiots ont attendu que nous découvrions des armes nouvelles. Enfin, le monde a eu chaud, et là-bas, sur la planète Obscure, le Conseil suprême doit se demander ce qu’est devenu leur Maître, Olgar VI, le conquérant.

Corry haussa les épaules et joua machinalement avec un coupe-papier.

— C’était peut-être un pacifiste…

— Vous êtes bien généreux pour un homme qui a sur la conscience la mort de centaines de milliers d’êtres humains, grommela Maxwell. Notre globe a été par sa folie le théâtre d’une guerre interplanétaire.

Mac-Corry releva la tête et regarda son adjoint avec des yeux vagues. Un sourire tira sa bouche et il se résuma par ces mots, qui ne reflétaient du reste que la plus élémentaire vérité.

— Une guerre interplanétaire ? Hum… pas précisément. Depuis 1938, l’ennemi était enfoui dans notre sol, concentrant ses forces. Il faisait, en somme, partie de notre planète, et cela sans que nous nous en doutions. Sous nos pieds existait donc une extraordinaire civilisation, menaçant l’intégrité de notre race. Guerre interplanétaire ? Non. J’appellerais plutôt cela : attaque sub-terrestre.

 

 

 

 

FIN

Attaque sub-terrestre
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